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La Cinquieme Couche
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Qui a besoin d'une théorie du dessin ? A priori, personne : dessiner semble être l'activité la plus libérée de toute contrainte qui soit. Et pourtant, notre histoire est jalonnée - depuis que le dessin s'est constitué en acte singulier, distinct, dans l'Histoire Naturelle de Pline - de ces théories du dessin qui sont aussi inextricablement liées aux théories des couleurs qu'elles sont séparées d'elles par ce dialogue lui-même. Comprendre les certitudes métaphysiques, les visions anthropologiques qui ont gouverné ces théories, c'est ce qui permettra d'éclairer ce que signifie dessiner quand on fait sauter le dernier maillon d'une lourde chaîne platonicienne : celle qui tient encore le dessin prisonnier de vieux mirages philosophiques
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On considère ce qu'on voit, dans une bande dessinée, dans une double évidence : l'image ne laisserait rien échapper à notre regard, elle serait toute entière affirmation d'elle-même ; et l'image serait rendue plus évidente encore par le récit, dont elle ne serait que le contexte. Mais si le fait même de regarder devenait l'objet d'un récit ? S'il n'y était question que des rapports entre différents moments du regards, différentes façons de regarder, différents angles de vues ? et si cette question prenait son sens dans des questions politiques, celles par lesquelles un monde, une nation, une cité, se construit précisément en donnant à voir uniquement certains points de vue et en les appelant "réalité" ? Dans le chaos apparent des images de ce livre se dessine une forme d'éducation au regard, au discernement, à la conscience rénovée de la puissance politique des images.
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Ce sont 32 pages appelées Judex. Judex comme matrice, comme matrice à faire des choses dites « choses de Judex ». De la machinerie Judex, faire des Judex.
L.L de Mars a dessiné 32 pages muettes, et invité plusieurs auteurs à ré-agencer ces planches et à combler les phylac-tères vides pour constituer un récit. Cette démarche s'inscrit dans les pratiques poétiques à contrainte, comme celles qui animent l'OuBaPo ou qui adviennent dans le cadre du festi-val Pierre Feuille Ciseaux auquel L.L de Mars a participé plusieurs fois. Les propositions des contributeurs qui ont accepté de jouer le jeu relèvent du récit purement narratif, du discours poétique, du détournement ou de la parodie.
Toutes les histoires nées de la matrice Judex sont auto-nomes, et peuvent être présentées séparément ou concerter en pialant.
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Tout le monde veut connaître le Secret. La méfiance règne. Accéder au Secret relève de l'ascension sociale. Changer de condition sociale donne accès au Secret, le Secret conforte ce changement de condition sociale. Conserver le Secret assoit le pouvoir de son détenteur et le maintient dans sa position de domination. Gilles, nouvellement coopté dans la confrérie des détenteurs du Secret, fait son apprentissage dans la sphère très fermée de ce club de privilégiés, inaccessible au commun des mortels. Il découvre les mécanismes qui sous-tendent la violence dans les rapports sociaux. L'un des membres de cette corporation d'élus l'exprime simplement : Il n'y a pas de fortune sur Terre qui pousse sur autre chose que des corps d'infortunés.
Le Secret incarne la part ésotérique de la lutte des classes. Le coopté est transfiguré, s'animalise, devient irreconnaissable aux yeux de ses anciens congénères de basse extraction. Le secret est une drogue qui ne drogue que les autres. Se pourrait-il que nous, pauvres diables de lecteur, nous puissions avoir accès au Secret grâce à ce livre ?
L.L. de Mars signe ici une fable/farce politico-sociale féroce, et fait la part belle à l'expressivité picturale de son dessin en tirant parti de toutes les possibilités expressives de sa discipline pour rendre la violence et la cruauté de son récit : collages, encres, crayons, pastels dans une explosion de couleurs, de matières et une mise en page décomplexée. Les cases se décloisonnent, les visages s'estompent, la couleur et les figures circulent librement dans les planches et se contaminent.
Les cases se décloisonnent, les visages s'estompent, la couleur et les figures circulent librement dans les planches et se contaminent.
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En 44 pages d'un noir et blanc implacable et saisissant, L.L. de Mars nous relate la plus terrible des Histoires, la plus juste aussi, celle qui vit l'émergence du pouvoir qui nous submerge aujourd'hui. Pour ce faire, Docilités entrecroise les récits en une exigeante et subtile conjonction :
Une histoire de la famille Waltz, dont les générations se succèdent aux fourneaux Mesilor en autant de rituels meurtriers ; une histoire des images, par lesquelles nous aurions pu nous croire payés de profondeur dans les fresques du Palazzo Pubblico de Sienne, mais dont le vrai sacre triomphe au XXIe siècle à Disneyland ; une histoire des consciences, qui s'ouvre sur un choix tutélaire désastreux dont nous ne finissons pas de subir les conséquences ; une histoire des corps enfin, représentés, analysés, dressés et saignés. Au coeur d'un désarroi si profond que même nos morts en sont la proie, réside néanmoins une parcelle d'espoir :
Que chacun reprenne sur le champ possession de sa vie. Mais cela nous est-il, aujourd'hui, encore possible ?
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L.L. de Mars nous revient avec un récit d'espionnage épistémologique d'historien de l'art. Il tente d'aborder la question iconographique par le dessin lui-même, sans recourir à un autre registre de langage, si tant est que le dessin puisse être considéré comme un langage. Le langage étant cognitif avant d'être communicatif, il peut. Gwladys Le Cuff est historienne de l'art. Elle s'empare du travail épistémologique en dessins de L.L. de Mars et en fait son objet d'étude, faisant à son tour oeuvre d'oeuvre. Elle livre ainsi une lecture de cette pierre de Rosette. L.L. de Mars s'empare de ce décryptage et le corrige en rouge, rageusement. Un appareil critique de l'appareil critique de l'appareil critique égare le lecteur, le renvoyant du trait au texte puis du texte au trait, comme on ne peut penser simultanément le texte et l'image. C'est dans ce mouvement seulement que se livre l'oeuvre cryptique décryptée recryptée.