Coups de coeur
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Un magnifique roman de violences, d'amour et de rédemption
Traduit de l’Anglais (Australie), une ode à la nature, à une vie qui serait harmonieuse entre humains et animaux.
Autour du loup, l’histoire d’une réintroduction lupine et d’une quête presque initiatique pour l’héroïne.
Un livre qui flirte avec le polar, une belle histoire, bien campée, bien traduite, où l’autrice prend parfois la tengeante avec le stricte fait scientifique, mais elle est pardonnée, la beauté du monde reviendra.
Entre essai naturaliste, polar, roman, un livre parfois dérangeant, cru, un manifeste pour que la nature ne soit plus la variable d’ajustement des modes de vie contemporains.
Un roman qui dit aussi l’espoir, la rédemption, le courage d’aller au bout de ses idées.
Emmanuel f.
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La Joconde, vous connaissez...?
L’Élysée vient de nommer à la tête du Louvre une présidente jusque-là responsable des relations extérieures, en rupture avec la tradition réservant le poste à un conservateur du patrimoine. C’est qu’il s’agit de redresser les finances de l’institution, après la baisse de fréquentation due à l’épidémie de Covid. Après la transformation du nom du musée en marque, après le tournage de clips ou les défilés de mode au milieu des tableaux et des statues, la direction abat sa carte maîtresse : l’allègement des vernis de l’icône du Louvre, la restauration de la Joconde. En brisant ce tabou, la présidente du Louvre entend créer un événement médiatique juteux.
Cette vague de communication branchée business et réseaux sociaux déferle sur Aurélien, directeur du département des Peintures, spécialiste des peintres italiens de la Renaissance. Il était entré au Louvre pour trouver refuge auprès de la beauté intemporelle, contre la laideur du monde et à l’abri du passage du temps. Et le voilà sommé d’orchestrer cette gigantesque opération de communication qu’on présentera bien sûr au public comme une expérience scientifique unique.
Au fil de pages bien rythmées, l’auteur croque avec ironie une certaine tendance actuelle à diriger avec un œil sur les taux de fréquentation des réseaux sociaux et une oreille tendue vers les conseils des cabinets privés. Le suspense progressif de la restauration de l’œuvre nous permet de découvrir aussi cette ruche qu’est le Louvre, avec sa présidente, ses agents d’entretien, ses conservateurs, ses critiques d’art, mais aussi les grandes dates de l’histoire du musée et de l’histoire de la Joconde. Artistes contemporains, amateurs d’art experts ou anonymes se croisent, tous à la recherche de la beauté, et interrogeant l’existence des musées : ces lieux de permanence et de conservation du passé peuvent-ils être aussi des lieux d’innovation ? Ces temples du tourisme de masse peuvent-ils offrir au visiteur l’expérience d’une relation privilégiée avec des œuvres d’art ?
Ces questions sont posées au fil des étapes de la restauration de la Joconde, menée tambour battant par la présidente du Louvre, suivie avec réticence par Aurélien, dont le couple bat de l’aile. Autour d’eux se déploie une galerie de personnages truculents, agaçants, touchants ou improbables, qui composent une satire réjouissante du monde de l’art parisien, tout en posant la question de notre rapport à la beauté et de notre capacité à nous émerveiller… jusqu’à la chute finale, aussi logique qu’inattendue.
Pauline
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Le bureau des légendes
Un roman qui replonge au cœur de la série « Le bureau des légendes », mais qu’on peut lire sans avoir vu la série. Le récit se déroule au cœur du service action de la DGSE avec la tentative d’exfiltration d’un agent qui a réussi à pénétrer dans un groupe djihadiste au Mali, à un moment crucial où les différentes factions s’apprêtent à y mener une opération de grande ampleur, à laquelle l’agent ne doit absolument pas participer. En arrière-plan, un contexte bien décrit : le recul des soldats français dans la région et la montée en puissance des mercenaires russes de Wagner.
Un récit haletant, ce qui n’empêche pas l’auteur de présenter de façon très crédible les failles de ces personnages hors du commun et notamment celles du héros principal, le capitaine Yannick Corsan, détruit par la mort accidentelle de son épouse. Sans oublier l’ouverture à la fin du livre : il y aura une suite, on s’en réjouit !
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Une très belle évocation d'une période historique particulière dans ce pays du Moyen Orient
Au début des années 1960, des amis se rencontrent le soir dans un restaurant d’Alexandrie, une ville que tous aiment avec passion, qu’ils soient égyptiens ou d’origine française, grecque ou italienne. Tous subissent les effets de la dictature de Nasser qui surveille chacun dans ses moindres gestes : Chantal, une libraire française qui doit renoncer à son amour pour un officier de la police politique, Tony, un patron philanthropique qui voit pourtant son usine être nationalisée et les ouvriers rester passifs devant ce changement ou Abbas, l’avocat impuissant à défendre ses amis. Le personnage de Galil est particulièrement intéressant dans sa trajectoire : comptable scrupuleux, totalement fidèle envers Nasser, il est enrôlé pour devenir un espion à la solde du régime en toute bonne foi jusqu’au moment où il se rend compte de la façon dont il a été abusé.
Une efficace dénonciation du régime dictatorial et de la mise sous tutelle d’une ville jusque là cosmopolite contrainte à se refermer sur elle-même, à travers un roman choral à l’écriture fluide.
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Une réflexion nécessaire sur la question migratoire au-delà des chiffres et des caricatures.
Une histoire de femmes, qui passionnera, émouvra les hommes, les fera pleurer aussi.
La nature humaine, celle qui est généreuse, la nature, celle des montagnes, sont les personnages centraux de ce roman lumineux.
Lorsque la fange rejoint l’espérance, la générosité, au travers d’une géographie aussi attachante que ceux qui la peuplent, cela donne Traverser les montagnes et venir naître ici.
Un roman beau, habité d’une nature humaine élégante, dont le lecteur ne sort pas indemne.
Emmanuel Févre
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Un roman sensible et déchirant,qui explore la magie propre à l'enfance
Second roman après Aussi riche que le roi, prix Françoise Sagan en 2022, La nuit de David sonne déjà comme un roman de la maturité pour l’autrice d’origine marocaine, âgée de 34 ans.
Après avoir raconté la tentative d’émancipation social d’une jeune française installée au Maroc, vivant parmi les déclassés de Casablanca, Abigail Assor livre un roman étrange, sorte de testament d’un jeune frère jumeau trop tôt disparu pour Olive la narratrice.
Un livre tendre, envoutant, étonnant, chronique d’un petit frère pas comme les autres qui aimait les trains, a défaut d’aimer ses semblables, sauf Olive.
Abigail Assor scande cette passion des trains, ce je serai train, comme une petite musique, un leitmotiv.
David est dans son monde, c’est sa liberté, et c’est de cela aussi que parle l’autrice. Et si la narration connait un baisse de régime au sommet du récit, l’autrice est pardonné, La Nuit de David est un roman à avoir lu.
Emmanuel Fèvre
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One ode à la nature !
L’histoire du jeune loup apparu apparu à Valberg en 2019, dans les Alpes Maritimes, capturé puis relâché, qui avait exacerbé les tensions entre pro et anti-loups, avec les service de l’Etat, pas toujours très inspirés, entre les deux.
Au frontière du roman et de l’essai, Pauline Brillant, journaliste scientifique imagine ce qu’a pu être l’histoire et le périple de l’animal. L’autrice se met dans sa peau, fort d’un postulat scientifique vérifié sur le loup.
Livre lumineux, intelligent, plaidoyer pour dire la nécessité de vivre avec la nature, quitte à s’adaper. Un réquisitoire en faveur du loup qui n’oublie pas le point de vu de l’éleveur, un réquisitoire pour dénoncer ce qui ne marche pas en France au contraire d’autre pays.
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Toujours un régal.
Le troisième volume de la saga Le Pelletier. Les personnages sont toujours décrits avec une belle épaisseur et des traits de caractère efficacement mis en scène. Mention particulière cependant à deux d’entre eux : le patriarche Louis, dont la mort clôt le livre, à la fois élément de stabilité et représentant d’un monde qui disparaît mais aussi pesant d’un poids trop lourd sur son fils Jean dont les confessions sont bouleversantes. Et Geneviève, qui offre le fil conducteur de la méchanceté bête et autocentrée, mais qui semble à la fin du récit trouver son maître en la personne de sa fille Colette.
Par ailleurs, l’auteur, tout en gardant cette écriture fluide digne d’un excellent roman feuilleton du XIXème s, s’ancre également dans la seconde moitié du XXème en s’essayant avec bonheur au roman d’espionnage. A Prague, François est pour un temps transformé en espion face à une Tchécoslovaquie sous le joug de l’URSS et le lecteur qui découvre d’inquiétants accidents nucléaires ne peut que frissonner.
Une nouvelle réussite, on attend déjà le quatrième opus.
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Un roman fascinant et culturellement enrichissant
L’auteure raconte l’histoire d’enfants samis envoyés de force dans une école pour nomades au début des années 1950 et contraints à une « assimilation » rapide par des méthodes brutales : interdiction de la langue sami au profit du suédois, de contact avec les parents même au téléphone, retour très programmé à la fin du trimestre, jusqu’à une nourriture différente, tout est fait pour que les enfants abandonnent leur culture. La directrice à la tête de l’école multiplie les maltraitances, elle est appelée la « sorcière » par les enfants. Le récit est rendu encore plus sombre par le fait qu’il n’y a pas de solidarité entre les enfants, les plus grands s’attaquant aux plus petits. Il s’articule autour de cinq personnages et alterne les époques entre 1954-55 «et 1985, ce qui permet de montrer à quel point les traumatismes générés par cette brutalité n’ont pas disparu chez les adultes, chacun réagissant à sa façon : retour à la vie traditionnelle ou tentative pour se fondre dans la société suédoise vouée à l’échec.
Un roman à la fois dur et émouvant : l’auteure rappelle que sa propre mère a subi ce genre de violences ; elle n’hésite pas non plis à évoquer une société Sami complexe, sur la défensive et fermée sous le poids des traditions.
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Un roman historique et juridique aussi instructif que divertissant !
Hitler refuse que son ouvrage soit traduit en français car son programme, basé notamment sur un antisémitisme virulent et une hostilité à l’égard de la France, y est inscrit et pourrait inquiéter, malgré les nombreuses confusions et les lourdeurs de style,
la classe politique française en dévoilant ses intentions réelles. C’est dans ce contexte qu’en 1934 une alliance contre nature se noue en France entre une partie de l’extrême droite, antisémite mais germanophobe, et une partie de la communauté juive pour faire traduire le livre et tenter de le faire publier en France de façon illégale.
Le récit sur cet incroyable fait historique totalement méconnu tourne autour du personnage de l’avocat chargé de défendre les contrevenants. Une narration très bien menée, également bien documentée, comme le montrent les annexes, ce qui est utile pour asseoir la véracité de cette réalité stupéfiante.
Une lecture passionnante.
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Le roman qui nous donne une vue synthétique de l'histoire du pays. Désespérante mais synthétique.
Une historienne en train de rédiger un manuel sur les guerres du Liban et les responsabilités des groupes politiques et paramilitaires dans celles-ci est assassinée à Beyrouth. Deux policiers que tout semble opposer enquêtent : l’un, chrétien maronite, sur le point de prendre sa retraite, a trempé dans des affaires de corruption ; l’autre, chiite, est une jeune inspectrice idéaliste, qui croit à sa fonction. Ils vont pourtant essayer ensemble de retrouver les commanditaires de cet assassinat.
En fait l’enquête policière, assez bien menée par ailleurs, sert de toile de fond à une description sans concession de Beyrouth, une ville où plus rien ne fonctionne au niveau des infrastructures, et de ses factions politiques toutes engluées dans les compromissions, la soumission à des Etats étrangers et la violence. Un récit à la fois désespérant et empli d’amour pour un Liban rêvé. -
Rester humain est un combat contre la bête tapie en soi
Aux Montées, un hameau campé dans un espace temps et géographique indéterminé, les habitants survivent comme ils peuvent.
Il y a le château, ses maitres, une terre ingrate, des saisons qui se détraquent, un trio féminin, qui donne le ton à ce roman puissant, âpre, violent.
Un livre à la géographie gracquienne, charnu, charnel, où l’autrice fait monter la pression chaque page un peu davantage, comme un polar. Une histoire de paysannerie sous l’ancien régime, dans laquelle la nature explose, une histoire de femmes derrière lesquelles gravitent les hommes. une ode à la fraternité aussi, à la liberté.
Un livre envoûtant!
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Un plaidoyer subtil pour la liberté des femmes en Iran.
Un court roman, fougueux, un témoignage presque, économe en mots mais pas en densité dramatique inversement proportionnelle à son nombre de pages (140). D’origine iranienne, Delphine Minoui, grand reporter au Figaro, spécialiste du Proche et Moyen-Orient, prix Albert-Londres, donne la parole à une jeune iranienne, Badjens.
L’autrice prête sa voie, ses mots, à celles qui sont bâillonnées par la religion, la société, le patriarcat, la terreur des mollahs. Baillonnées par la chape de plomb qui règnent en Iran et qui pourtant ont décidé de s’affranchir du carcan au péril de leur vie, portant en elles le symbole de Mahsa Amini, assassinée pour un voile mal porté.
Un roman incarné, au style alerte, qui se lit d’une traite, aux côtés de Badjens, petite fille puis femme émancipée.
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Un roman passionnant et complet sur l'une des guerres les plus complexes de la fin du 20eme siècle.
Une épopée sur le Liban contemporain, des débuts de la guerre civile en 1975 à l’attaque contre la force d’interposition française du Drakkar en 1983, avec entretemps, l’engrenage de la violence et les appétits des puissances de la région : Israël, la Syrie et l’Iran après l’arrivée au pouvoir de Khomeini. Et en arrière-plan, une description tout aussi dérangeante de la vie politique française, entre le président Mitterrand et ses compromissions avec Action Directe et Chirac qui entretient des liens troubles avec les réseaux Pasqua.
Cette tragédie libanaise est vue à travers plusieurs personnages car l’auteur écrit bien un roman : les trois frères chrétiens de la famille Nada, l’un en chef de guerre, l’autre en tête brûlée et le troisième parti pour la France pour essayer d’obtenir un soutien pour le Liban ; mais aussi le chef chiite ou le chargé de mission à l’ambassade de France.
Un travail remarquable sur les différentes communautés libanaises, une excellente interrogation sur les raisons qui les poussent à s’entretuer, alors qu’elles ont cohabité pendant des années. Un vertige devant la création au sein de ces communautés de factions qui se déchirent.
On retrouve avec bonheur les caractéristiques du roman noir historique où l'on va suivre des personnages fictifs immergés avec d'autres bien réels dans les évènements historiques qui ont secoué le Liban et la France de 1975 à 1983 (pour ce premier tome).
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Un changement de genre redoutablement efficace
Récit de la guerre qui se déroule en Finlande de décembre 1939 à mars 1940 : l’URSS attaque le pays, dans un rapport de force totalement disproportionné qui devrait conduire à une guerre éclair. Mais contre toute attente la Finlande résiste, portée par son patriotisme, incarné dans le livre par plusieurs personnages, notamment Simo Häyhä, un sniper à l’efficacité redoutable surnommé « la Mort Blanche ». Le pays est également soutenu par une nature dans laquelle les forêts, le froid (jusqu’à moins 50°), la neige et la glace offrent une relative protection aux soldats finlandais face à des soviétiques mal équipés et perçus par Staline comme de la simple chair à canon renouvelable.
Un grand intérêt à l’évocation de cette phase de la seconde guerre mondiale, très mal connue ; des personnages dont l’auteur nous fait bien percevoir les sentiments : ce ne sont pas des militaires, mais des hommes et des femmes qui défendent leur pays, même s’ils se sentent parfois menacés de perdre leur humanité.
Une résonance toute particulière compte tenu des parallèles avec l’actualité, jusqu’à la lâcheté des démocraties bien rappelée.